La chronobiologie alimentaire, qu'est-ce-que c'est ? Il s'agit de manger certains types d'aliments, donc d'utiliser leurs nutriments, au moment où le corps en a le plus besoin, quand il les assimile le mieux. Cette manière de manger est basée sur l'horloge biologique du corps, son horloge interne, en fonction des différentes sécrétions hormonales et enzymatiques. Cette rythmicité, avec ses pics et ses creux, est une propriété fondamentale de tous les organismes vivants.
La chronobiologie alimentaire n'est autre que mettre en place ou rétablir une bonne rythmicité des repas. Nous devons ce mécanisme à notre patrimoine génétique : les transmissions hormonales et les sécrétions enzymatiques sont programmées de longue date.
La chronobiologie alimentaire ou chrononutrition, dont je vais vous parler et que j'utilise pour mes patients, n'est pas centrée sur l'amaigrissement et les préconisations du Docteur Delabos. Elle s'appuie plutôt sur les travaux des Drs Mestre et Rapin, qui montrent à quel point une mauvaise rythmicité alimentaire peut affecter nos modulations métaboliques et entraîner à terme obésité et pathologies associées. Si les deux approches partent de la même théorie, elles se distinguent dans la démarche et la pratique.
Quatre repas sont en effet programmés au cours de la journée, repas qui correspondent aux quatre pics quotidiens de cortisol : le petit-déjeuner, le déjeuner, le goûter et le dîner, soit :
Les recherches en chrononutrition ont notamment montré l'importance du petit-déjeuner, après le jeûne prolongé de la nuit, dans la synchronisation de l'horloge interne. Celle-ci aurait des effets sur le bilan énergétique et le métabolisme, donc sur l'état de santé.
A retenir : l'organisme requiert, aux premières heures du jour, des lipides (matière grasse) et des protéines (viande, poisson, œuf, fromage, laitage, ...). Les premières sous forme d'acides gras saturés, c'est à dire des graisses qui restent solides à température ambiante. Quant aux glucides (sucres rapides et sucres lents), attention aux apports : plus le pancréas aura à sécréter d'insuline, plus les risques d'hypoglycémies deux heures après la prise alimentaire sont prévisibles, surtout s'il s'agit de sucres rapides avec un index glycémique (IG) élevé. Conséquences : chute d'énergie, nervosité, voire irritabilité dans la matinée.
A la mi-journée, les sécrétions des enzymes digestives sont à leur apogée, plus encore si vous les stimulez avec un verre d'eau ou une crudité pour commencer. Ce qui signifie que le déjeuner peut-être un repas copieux, sans trop perturber l'organisme. Il est néanmoins recommandé de modérer la montée glycémique en faisant le choix entre féculent ou dessert (ou alors peu sucré), afin de prévenir l'appel de la sieste après le repas.
S'il y a un moment pour se faire plaisir avec des aliments sucrés, c'est bien au moment du goûter. A ce moment de la journée, notre organisme est moins impacté par le sucre. L'organisme opère alors une insulino-résistance naturelle, autrement dit, les récepteurs à l'insuline, et l'insuline elle-même, sont bien moins connectés que le matin. Aussi, un aliment à index glycémique plutôt élevé fera l'effet d'un autre à l'indice plus bas.
Par ailleurs, le tryptophane est tout indiqué au goûter. Il s'agit d'un acide aminé essentiel contenu dans certains aliments (céréales complètes, chocolat noir, banane, noix de cajou, etc.), précurseur de la sérotonine, le neurotransmetteur de la gestion des humeurs et de l'appétit, sérotonine qui déclenche à son tour la mélatonine, la neurohormone du sommeil. Le tryptophane est précieux mais fragile et, s'il vient à manquer, le cerveau sera en déficit chronique de sérotonine. Résultat : envie irrépressible de manger des aliments sucrés en fin de journée et qualité du sommeil altérée. Alors, anticipez !
Le dîner sera léger mais pas, pour autant, dépourvu de protéines et de lipides. Celles-ci seront, en revanche, distinctes de celles qui sont recommandées au petit-déjeuner. Les acides gras seront ici polyinsaturés (oméga-3), ceux qui s'incorporent aisément dans les membranes cellulaire et ont la capacité de régénérer l'ensemble des cellules ou tissus de l'organisme pendant la nuit. Le respect des biorythmes, c'est d'ailleurs aussi dormir suffisamment.
En matière de protéines, évitez les viandes rouges riches en tyrosine, précurseur de la dopamine : l'hormone du jour. Vous vous épargnerez ainsi des difficultés d'endormissement, voire une insomnie. La volaille, dont le poids moléculaire est moindre, est bien mieux admise.
Au dîner, les légumes sont aussi bienvenus. Leurs apports en vitamines et minéraux sont précieux : ceux-ci sont des cofacteurs, essentiels pour favoriser l'ensemble des réactions métaboliques. Préférez-les arrosés d'un filet d'huile végétale de qualité (première pression à froid) riche en oméga-3 (colza, cameline, lin, noix, ...). L'hiver, la tendance est aux soupes pour se réchauffer. Optez pour des textures épaisses ou en morceaux, type minestrone, plutôt que liquides, qui auront tendance à noyer les enzymes digestives alors en plein travail de découpage. Tout dépend toutefois de l'organisme de chacun : nous ne sommes pas tous égaux en matières d'enzymes digestives, ...
Quant aux glucides, il peut tout à fait être judicieux de manger des féculents et autres aliments riches en glucides complexes au dîner (céréales complètes, amylacées, légumineuses). En effet, la sécrétion d'insuline ainsi générée favoriserait l'absorption du tryptophane. Toutefois, il est indiqué de cuire ses féculents al dente, de les préférer complets ou semi-complets et d'en manger en petite quantité, sans sauce, ni fromage râpé, plus caloriques que les pâtes seules. Parce que l'excès de calories le soir stockera un surplus d'apport énergétique assez peu utile pour aller dormir et surtout à l'origine de surcharges mal placées.
Pour finir, évitez le sucre au dessert, sinon un ou deux petits carrés de chocolat noir à 70%. Le pancréas, qui a travaillé dur toute la journée, n'attend qu'une chose le soir : du repos jusqu'au lendemain matin. Or, manger sucré, c'est le faire redémarrer et bloquer les hormones de croissances. Qui dit sucre au dîner, ou plus tard dans la soirée, dit vieillissement prématuré.
Régler le rythme, mais aussi les quantités des apports alimentaires en fonction des besoins, permet de parvenir à un fonctionnement normal, voire optimal de votre corps. Par conséquent, vous prévenez ainsi l'apparition de maladies d'industrialisation.
Il est admis que tous les traitements médicamenteux (allopathiques, homéo-, phyto- ou encore nutri-thérapeutiques) ont quasiment tous une heure d'administration, décisive pour les rendre efficaces... Concernant les aliments, c'est pareil. L'horaire des prises alimentaires a une influence sur le métabolisme, donc sur l'état de santé. Aussi, quand l'alimentation moderne (grignotage ou snacking, produits ultra-transformés ou carencés) pousse insidieusement à consommer toujours plus et à toute heure, la machine se dérègle. Emergent alors des pathologies qu'on appelle métaboliques qui résultent précisément de ces déséquilibres : diabète de type 2 dit "gras", maladies cardiovasculaires, maladie de Nash (ou du foie gras) et autres cancers reconnus aujourd'hui comme métaboliques. L'alimentation moderne entraine des modifications ne répondant plus aux besoins naturels du corps humain tel qu'il a été conçu.
Aurélie Brunet, Naturopathe-Nutritionniste à Aix-les-Bains, Diplômée du Cerfpa de Saint Laurent du Var,
Le Mai 2024